Sacrifier la réputation juridique de l’Espagne

Maintenant La Malaisie devait encore déployer cette décision absurde afin de faire cesser l’arbitrage ou le discréditer.  Le tribunal a rendu un jugement peu convaincant selon lequel le processus de sélection mis en place deux ans auparavant était annulé.  Les juges n’ont cependant PAS dit à l’arbitre, le Dr Stampa, qu’il devait s’arrêter.  Il avait déjà fait tout le travail.

Et surtout, Stampa ne travaillait pas pour les juges et n’était même pas partie au procès qui a abouti à cette histoire ridicule.  Les juges ne lui ont donc pas dit de faire quoi que ce soit.

Les Malaisiens auraient donc pu – et dû – saisir la justice en vertu de la loi espagnole sur l’arbitrage, en déclarant que « la sélection à partir d’un chapeau ayant été communiquée au gouvernement malaisien par l’intermédiaire de la mauvaise ambassade, nous devons maintenant dire que l’arbitre n’existe pas ».  Ils auraient pu poursuivre Stampa en justice, ils auraient pu nous poursuivre en justice, mais cela aurait exposé cette mascarade à l’examen minutieux qu’ils ont invité jusque là.  Et ils auraient perdu, lourdement.

Ils ont donc demandé au greffier (un Letrado ou Letrada) d’écrire sur du papier à en-tête directement à Stampa, en lui demandant de cesser le travail.  Il s’agissait là d’une piètre incompétente (fausse) pièce légale.  Pour être clair, ils n’ont pas classé la demande de manière à ce que quiconque ne puisse la voir, mais plus tard il a admis à un juge d’instruction ce qu’il avait fait et qui lui avait demandé de le faire.   Heureusement pour lui, le juge d’instruction (qui essayait de monter un dossier contre Stampa) apparemment décida que cela n’avait pas d’importance.

Entre-temps, Stampa convoqua une audience d’urgence, à laquelle la Malaisie a de nouveau refusé d’assister.  Nos avocats ont insisté pour que Stampa continue, mais il refusa, déclarant que la situation en Espagne, bien que sans précédent, l’obligeait à suspendre la procédure jusqu’à ce que les parties puissent clarifier davantage les implications de la décision de vacatur du tribunal de grande instance de Madrid (TSJM).

Transfert vers la France

En juillet 2021, l’arbitrage a été suspendu.  Stampa avait probablement déjà rédigé une grande partie de la sentence finale, puisqu’il devait la rendre au début du mois de septembre.  Mais après avoir suspendu la procédure, la sentence pourrait ne jamais être rendue, ce qui était exactement le résultat recherché par la Malaisie.

Au cours de cette période, un membre de notre équipe d’avocats pensa une solution de contournement astucieuse : et si Stampa déplaçait le lieu de l’arbitrage hors d’Espagne ?  Rappelons que la plupart des contrats modernes précisent le lieu de l’arbitrage ; ce lieu (appelé « siège » dans le langage de l’arbitrage) détermine les tribunaux qui peuvent superviser et se prononcer sur l’intégrité d’une procédure d’arbitrage.  L’accord de 1878 ne contenait aucune information sur le siège.  Stampa avait opté pour Madrid, puisque c’est là qu’il était basé, mais il aurait pu élire un autre lieu d’arbitrage.

(Il existe des précédents dans des arbitrages difficiles pour déplacer un siège d’un endroit à un autre – même lorsque les parties avaient précédemment convenu, dans leur contrat ou autrement, de le fixer à un endroit particulier.  L’affaire la plus célèbre concerne une plainte déposée à Jakarta, où le gouvernement indonésien est intervenu pour empêcher l’un des arbitres de se rendre à une audience.  Les deux autres arbitres ont déplacé de leur propre chef le siège de Jakarta à La Haye ou ils y ont rendu la sentence).

Mais nos avocats ont dû persuader Stampa qu’il y avait un siège viable ailleurs.  Ils se sont tournés vers la France.  Afin de convaincre M. Stampa qu’il s’agissait d’une suggestion sérieuse, ils prirent sa décision de choix de siège sur la compétence jurisdctions et l’ont importée en France par le biais d’une procédure de reconnaissance des décisions étrangères appelée exequatur.

La demande d’exequatur a abouti en septembre 2021.  Nos avocats ont alors écrit à Stampa en octobre 2021 – en mettant en copie le procureur général de Malaisie et en informant ainsi la Malaisie de l’exequatur.   Nos avocats ont demandé à Stampa de transférer le siège de l’arbitrage en France, permettant ainsi de continuer sans l’ambiguïté de la procédure extraordinaire de vacatur de la cour espagnole pesant sur sa tête.  Stampa, comme d’habitude, a invité la Malaisie à faire des commentaires et, comme d’habitude, n’en a reçu aucun.

Stampa a dûment déplacé le siège à la fin du mois d’octobre 2021, bien qu’il n’ait pas physiquement déménagé en France (le siège est une fiction juridique qui ne nécessite pas d’analogue physique). Stampa a cité “l’ingérence sans précédent » des tribunaux espagnols dans une procédure en cours, dont il a suggéré (à juste titre, pour autant que nous puissions en juger à la lecture d’une traduction en anglais) qu’elle était en violation de la loi espagnole sur l’arbitrage.

Ces dispositions n’autorisent un tribunal qu’à nommer un arbitre, à l’assister dans l’administration de preuve ou à confirmer, refuser de confirmer ou annuler une sentence.  L’annulation de la procédure de nomination d’un arbitre ne figurait absolument pas sur la liste. Vous trouverez la traduction anglaise de la loi espagnole sur l’arbitrage à l’adresse suivante. Les articles concernés sont les articles 6 et 7.

Stampa s’est engagé à rendre sa sentence arbitrale finale au plus tard le 2 mars 2022.

Une affaire devenant personnelle

Bien évidemment, ce n’était pas la fin du harcèlement de Stampa aux mains de copains agissant pour le compte de la Malaisie.  En fait, ses ennuis ne faisaient que commencer.  Vers la fin de l’année 2021, Stampa reçu des lettres d’un avocat du cabinet français Bredin Prat.  L’avocat dit à Stampa que, s’il ne cessait pas immédiatement de travailler sur l’arbitrage, il ferait l’objet de poursuites pénales.  Stampa l’ignora mais signala le contact à la Malaisie et à nous-mêmes.

En décembre 2021, l’ambassadeur de Malaisie en Espagne a déposé une plainte pénale auprès du procureur espagnol.  La plainte accuse Stampa de l’équivalent espagnol de l’outrage au tribunal, ainsi que d’assumer une fonction à laquelle il n’a pas droit – la « fonction » étant son rôle d’arbitre.

Il n’a pas désobéi à un « tribunal », mais a ignoré un fonctionnaire du tribunal qui lui a dit qu’il agissait pour l’autre partie !

Stampa délivra à sa sentence arbitrale finale le 28 février 2022, quelques jours avant la date prévue.

La sentence arbitrale finale a établi que l’accord de 1878 était bien un bail, mais que, contrairement aux protestations ultérieures de la Malaisie, les requérants ne pouvaient rien faire pour réclamer le territoire.  Au lieu de cela, Stampa a accordé aux demandeurs des dommages et intérêts d’un montant de près de 15 milliards de dollars, correspondant à 15 % de la valeur du pétrole et du gaz découverts sur le territoire et dont l’exploitation est prévue entre 2013 et 2044.

L’attribution de la sentence arbitrale finale a été une décision courageuse ou téméraire, selon les points de vue. Ce qui est certain, Stampa continue de payer pour sa décision – il a été poursuivi et, en décembre 2023, condamné pour avoir eu la témérité d’aller jusqu’au bout de sa nomination – au grand dam d’un gouvernement revanchard.

Ce gouvernement n’est pas une république bananière : c’est l’Espagne, membre à part entière de l’UE et de l’OTAN depuis 1986.  Mais sous le vernis d’un pays sophistiqué de premier rang mondial, se dissimule clairement une mentalité de gangster qui n’a pas évolué au sein de la magistrature, du barreau et des industries de l’export qui peuvent manipuler le ministère des affaires étrangères.  L’État de droit est pour ceux qui jouent le sale jeu ; ceux qui ne le font pas – comme Stampa – verront leur liberté guillotinée et leur réputation en lambeaux.

Récemment, la Malaisie a déclaré que l’un des demandeurs était un terroriste, alléguant qu’il était effectivement impliqué dans l’affaire Lahad Datu.  Il est révélateur de constater que la Malaisie n’a jamais fait de telle déclaration au cours des dix années précédentes, bien qu’elle ait eu tout le temps d’identifier les personnes associées à l’incursion.  Il est tout aussi notable de constater que la Malaisie n’a toujours publié de preuves pour étayer ses allégations de terrorisme, ni communiqué de données à ses véritables partenaires internationaux contre de véritables terroristes.

Dans la même veine, en mai 2023, le chef de la police de a accusa tous les demandeurs de « sabotage » et étre une menace pour la sécurité nationale. Le crime ? Avoir déposé une plainte contre la Malaisie. Ainsi, apparemment, en ce qui concerne la Malaisie, c’est un crime de porter plainte contre l’État, tout comme en Espagne, il semble qu’il soit un crime d’arbitrer une telle plainte. Tout ça pour un système international absent.

La Malaisie a en effet introduit un recours contre la sentence arbitrale finale en France, le nouveau siège.  Cette contestation est en cours.  Le TSJM ne pouvait pas examiner un tel recours – et encore moins une déclaration d’invalidité – parce que l’Espagne n’était pas le siège de la sentence arbitrale finale.

En ce qui concerne la sentence arbitrale préliminaire, la bonne façon de l’invalider était d’engager une procédure de contestation en vertu de l’article 42 de la loi espagnole sur l’arbitrage – précisément la procédure que la Malaisie avait lancée en octobre 2020, que le greffier avait écartée du bordereau en septembre 2021 et que la Malaisie n’avait pas réussi à ressusciter en temps voulu.

On nous dit que l’ambassadeur de Malaisie en Espagne n’a jamais envoyé le jugement du TSJM du 1er décembre au procureur espagnol.  (Pour rappel, ce jugement déclarait que Stampa était incontestablement l’arbitre, et confirmait sa sentence arbitrale préliminaire, ce qui rendait absurde les poursuites engagées par la suite contre Stampa pour avoir ignoré la demande d’un greffier lui demandant de se démettre de ses fonctions ! La Malaisie prétend à plusieurs reprises que cela ne s’est pas produit).  Cette suggestion semble absurde et serait probablement criminelle si elle était vraie.  Cependant, jetez un coup d’œil à l’e – Book que le Premier ministre, le ministre et le gouvernement malaisien ont signé en février 2024.  Ce jugement a été soigneusement supprimé !

En résumé, M. Stampa a été accusé d’avoir désobéi à des juges qui ne l’avaient jamais contacté, ne lui avaient jamais dit qu’il désobéissait, ne l’avaient jamais menacé ou intenté d’action contre lui. Et lorsqu’il a été traîné devant les tribunaux en 2023, c’était un an après que ces mêmes juges aient, presque un an plus tôt, confirmé que lui-même et sa sentence arbitrale étaient valides et ne pouvaient être annulés. Lorsque le juge Santos Vijande rédiga une attaque cinglante dans le cadre de ce jugement, il qualifia l’affaire malaisienne de fraude procédurale. On peut se demander ce que les juges du TSJM ont ressenti lorsque Stampa – dans le prolongement de la même fraude procédurale – a été reconnu coupable de leur avoir désobéi.

Stampa a été reconnu coupable en décembre 2023 et condamné à une peine de deux ans avec sursis. Sa reputation a été martelée, brisée par la Malaisie par l’intermédiaire de ses hommes de main en relation publique. L’objectif ? Influencer les juges français et les juges d’autres juridictions contre la protection et l’application de cet arbitrage.