Un rapide coup d’oeil sur le processus juridique de l’arbitrage : pourquoi y a-t-il tant de jugements?
On peut vous pardonner de vous perdre dans les allers-retours juridiques de cette affaire qui dure depuis des années. Vous trouverez ici un résumé des principaux événements de cet arbitrage (et de tous les autres) et de la manière dont ils s’imbriquent les uns aux autres.
Le sentence arbitrale préliminaire (Preliminary Award)
Lorsque le tribunal de grande instance de Madrid (TSJM) a décidé de sélectionner un arbitre en mai 2019, elle a pris soin de préciser qu’elle ne préjugeait pas de la question de savoir si cet arbitre était effectivement compétent pour connaître de l’affaire. Cela semble certainement étrange pour quiconque n’est pas familier avec l’arbitrage.
Mais voici comment cela fonctionne : il y a un concept en droit international connu sous le nom de Compétence-Compétence (parfois ennoncé Kompetenz-Kompetenz : la même chose, mais en allemand). Ce terme traite de la question de savoir qui est habilité à déterminer le degré de décision d’une personne chargée de l’établissement des faits. Dans certains contextes, c’est un juge qui décide de l’étendue de la responsabilité d’un autre enquêteur (par exemple, un jury). Mais en droit international, un arbitre est chargé de décider s’il est compétent pour connaître d’une affaire. Il a la « compétence » de déterminer sa compétence.
Quelle est l’importance de cette question sur le plan pratique ? Il arrive que l’on ne sache pas exactement ce que les parties souhaitent résoudre dans un litige. Elles peuvent rédiger une clause d’arbitrage qui stipule ce qui suit « en cas de litige grave entre nous, nous le soumettrons à l’arbitrage d’un seul arbitre selon les règles de etc… »
La question évidente qui se pose lorsqu’une partie introduit une demande en vertu de cette clause est de savoir si le litige est « sérieux ». En vertu de la doctrine Compétence-Compétence, c’est à l’arbitre qu’il appartiendra de trancher cette question. S’il conclut que le litige n’est pas sérieux, il n’est dès lors pas compétent pour arbitrer et doit cesser de le faire. Mais le point essentiel, encore une fois, est que la décision appartient à l’arbitre.
Dans notre cas, le tribunal de grande instance de Madrid (TSJM) a choisi de désigner un arbitre parce qu’il a estimé qu’il semblait à première vue (prima facie) y avoir une clause d’arbitrage dans l’accord de 1878. Mais la détermination finale à savoir s’il existe d’une clause d’arbitrage exécutoire incombe à l’arbitre.
C’est sur ce point que portait le sentence arbitrale préliminaire (Preliminary Award) de Stampa. Stampa devait être persuadé que les termes de l’accord de 1878 (écrit en malais formel avec une écriture arabe connue sous le nom de Jawi) constituaient un accord d’arbitrage. Pour ce faire, il a dû examiner une série de traductions de l’accord du jawi vers l’espagnol et l’anglais.
Stampa en conclut que la traduction la plus fiable était celle qui avait été faite à l’époque (c’est-à-dire en 1878) en espagnol. Les Espagnols après tout n’étaient pas parties à l’accord de 1878 et pouvaient ainsi être considérés comme plus désintéressés que les traductions contemporaines ou ultérieures établies au nom des intérêts britanniques, malaisiens ou philippins. La traduction espagnole réfère au Consul général exerçant la fonction de juicio (jugement).
Cela ressemble à une intention claire que le consul général (ou son remplaçant, en l’occurrence Stampa) tranche sur question (de manière définitive), comme le ferait un juge. Sur cette base, M. Stampa a déterminé qu’il existait une clause d’arbitrage exécutoires et qu’il était donc compétent. Il a donc rendu une sentence arbitrale préliminaire (Preliminary Award) afin d’expliquer pour expliquer son raisonnement.
Stampa étant déclaré compétent, il lui incombait à présent de rendre une récompense finale (Final Award) sur le fond du litige. Les points clés du litige étaient de savoir si la Malaisie avait violé l’accord de 1878 en cessant les paiements, si l’accord devait donc être résilié et si le montant du paiement en cas de rupture devait être augmenté afin de refléter les réalités commerciales des années 2020 plutôt que celles des années 1870. M. Stampa a répondu par l’affirmative sur tous ces points.
Le sentence arbitrale finale (Final Award)
Comme vous le savez si vous avez lu d’autres développements sur ce site, la sentence finale de Stampa a été rendue en France plutôt qu’en Espagne, où l’arbitrage avait commencé. Les raisons de cette situation sont abordées ailleurs. La façon dont cela s’est produit est le résultat d’une des démarches juridiques effectuées par les Demandeurs – l’exequatur de le sentence arbitrale préliminaire en France.
Exequatur
Exequatur L’exequatur désigne essentiellement la reconnaissance d’une sentence arbitrale dans une juridiction autre que celle où elle a été rendue. Vous avez une sentence arbitrale en Chine que vous souhaitez faire reconnaître à Singapour ? Introduisez une action en exequatur devant un tribunal de Singapour, afin de l’importer à Singapour, où les tribunaux de Singapour vont la reconnaître et agir en conséquence.
Si la Malaisie continue à s’opposer à la sentence arbitrale, à refuser de payer ou de négocier et à crier à l’injustice, au terrorisme ou au sabotage économique (si vous avez suivi les déclarations publiques des ministres malaisiens, vous avez compris), l’exécution, est le processus par lequel nous demanderons aux tribunaux du monde entier de geler puis de confisquer les avoirs malaisiens.
La Malaisie s’est occasionnellement plainte que l’action en exequatur intentée par les Demandeurs en France en septembre 2021 était ex parte (faite sans prévenir l’autre partie). Mais c’est ainsi que fonctionnent les actions en exequatur en France. Une fois la reconnaissance accordée, nous avons révélé l’action à la Malaisie lorsque nos avocats ont écrit à Stampa (avec copie à la Malaisie) pour lui demander de déplacer l’examen de la sentence arbitrale finale dans ce pays. D’ailleurs, bien que le gouvernement malaisien ait semblé choqué en février 2022 lorsque la sentence finale a été annoncée, il n’a pas vraiment été pris par surprise. M. Stampa avait envoyé en copie à l’Attorney-General de Malaisie chaque étape et chaque communication de la procédure d’arbitrage.
Il est important de noter que c’est cette première action en exequatur – c’est-à-dire la reconnaissance de le sentence arbitrale préliminaire (Preliminary Award) espagnole en France – que la Cour d’appel de Paris a annulée en juin 2023. Le sentence arbitrale finale (Final Award) de février 2022, rendue en France, n’a pas été contestée avec succès. De plus, la Cour d’appel de Paris a décidé que la contestation de la sentence arbitrale finale ne pouvait pas aller de l’avant tant que l’appel des Demandeurs de la décision de juin 2023 sur la sentence arbitrale préliminaire n’avait pas été tranchée par la Cour de cassation française.